L'Etat est incapable de faire respecter ses propres règles de protection des vieux devant l'emploi

Les chômeurs coincés dans les sables mouvants avant l'âge légal de la retraite, et qui comptent sur le gouvernement pour leur lancer une corde, risquent de s'apercevoir qu'au bout de la corde il n'y a personne. Il n'est pas besoin de chercher longtemps, il suffit de consulter le site d'annonces de reclassement des agents contractuels du ministère des Affaires étrangères.

Après plusieurs années de poste à l'étranger, les agents qui tutoient l'âge légal de la retraite ont, comme leurs collègues plus jeunes, la possibilité de consulter les fiches d'une agence pour l'emploi qui leur est réservée. Pendant la semaine où le Président de la République a annoncé qu'il s'occupait du reclassement des plus vieux, les services du quai d'Orsay relayaient de leur côté fort impudemment une annonce émanant de l'Organisation internationale de la Francophonie, dont voici le dernier paragraphe : "Une attention particulière sera apportée aux candidatures féminines ainsi qu’aux candidatures émanant des ressortissants d’États et de gouvernements membres non représentés ou sous-représentés au sein de l’Organisation. L’âge de départ à la retraite au sein de l’Organisation est fixé à 60 ans."

 Résumons, si vous êtes un homme vous n'êtes déjà pas bien placé. Si vous avez la nationalité française votre cas s'aggrave. Et si vous avez soixante ans il est définitivement compromis. Vous avez trois raisons de ne pas pouvoir occuper un poste au sein de l'organisation mondiale de la Francophonie, alors que la France est le plus gros contributeur à son budget et que les locaux de l'organisation sont situés à Paris avenue Bosquet (même si visiblement les contrats relèvent du droit international). Le gouvernement, au moment où il se lance dans une campagne de réhabilitation des vieux chômeurs avec annonce présidentielle sur l' "accompagnement" laisse donc ses propres services relayer une annonce qui bafoue les principes qu'il énonce. Quant à celui qui consiste à porter une "attention particulière aux candidatures féminines", on ne voit que le Crazy Horse où l'on puisse trouver, en ce moment, un équivalent sur le marché du travail.

Plaisanterie à part, on aura beau jeu de répondre, à propos de l'âge-limite, que l'organisme ne peut pas se permettre de former quelqu'un pour trois ans. Justement, il s'agit d'un contrat à durée déterminée de trois ans. Objection rejetée.

Et quelle est la nature de ce poste si enviable (58 000 euros annuels tout de même) ? C'est peut-être là que se situe le bouquet final, le paroxysme, l'apothéose de l'absurde à la française. Dans cet organisme au service de la Francophonie, non seulement on réclame un collaborateur plutôt féminin, plutôt originaire d'un Etat sous-représenté, impérativement âgé de moins de soixante ans, mais il (elle, selon toute vraisemblance) sera chargé (e) "de la mise en œuvre de programmes visant au développement des langues partenaires, notamment africaines et créoles".

L'annonce ajoute hâtivement "en lien avec la promotion de la langue française", mais on sent que c'est par acquit de conscience.